Avocat à Nice : Arrêt de la Chambre Criminelle du 18 septembre 2019 

 

Thématiques : Enquête policière / Garde à vue / Tribunal correctionnel 

 

Dans cet arrêt qui opère un renvoi devant une autre Cour d'appel, la Cour de cassation vient affirmer la protection toute particulière qu'elle attache à la vie privée et au domicile en considérant implicitement que l'intrusion par la force dans un domicile dans le cadre d'une comparution forcée, n'étant pas spécifiquement prévue par les textes, est illégale.

 

Le Texte intégral :

 

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article préliminaire et 76, 78, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale et violation de la loi ;

Vu l’article 78 du code de procédure pénale ;

Attendu qu’il se déduit de ce texte qu’il n’appartient pas à l’officier de police judiciaire, autorisé par le procureur de la République à contraindre une personne à comparaître par la force publique, de pénétrer de force dans un domicile, une telle atteinte à la vie privée ne pouvant résulter que de dispositions légales spécifiques confiant à un juge le soin d’en apprécier préalablement la nécessité ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, dans le cadre d’une enquête préliminaire, le procureur de la République a délivré une autorisation de comparution sous la contrainte visant Mme X..., soupçonnée d’appels téléphoniques et de messages électroniques malveillants et réitérés, qui ne s’était pas présentée à une précédente convocation écrite ; que, se trouvant à son domicile, les policiers ont constaté que Mme X... ne répondait pas à leur demande d’ouverture de la porte ; qu’ayant aperçu un homme regardant par la fenêtre de l’intéressée, en l’absence de réponse à leur nouvelle demande d’ouverture, ils ont pris l’initiative de défoncer la porte d’entrée du domicile à l’aide d’un bélier ; que, présente dans les lieux, Mme X... a été placée en garde à vue ; que poursuivie des chefs susvisés, le tribunal correctionnel de Caen a jugé irrégulière la pénétration des policiers dans le domicile de la prévenue et a annulé les procès-verbaux d’interpellation, de garde à vue et d’audition de Mme X... et l’a déclarée coupable de certains des faits reprochés ; que la prévenue, le procureur de la République et les parties civiles ont interjeté appel de cette décision ;

Attendu que pour rejeter l’exception de nullité de la mesure de garde à vue du 3 octobre 2016 et condamner Mme X... des chefs susvisés, l’arrêt retient que les policiers avaient à juste titre fait usage de la force pour défoncer la porte après avoir constaté la présence d’au moins une personne dans l’appartement de Mme X..., qui restait silencieuse ; Mais attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe sus-énoncé ; D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Caen, en date du 4 juin 2018, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

 

En résumé, le Procureur de la République avait autorisé les enquêteurs à contraindre un suspect à comparaître devant leur service pour être auditionné. Il convient de préciser que cette mesure fait suite à l'absence de présentation volontaire des suites d'une convocation écrite.

Se rendant au domicile du suspect, les enquêteurs ne se faisaient pas ouvrir la porte, toutefois, ces derniers indiquent avoir aperçu un individu à travers la fenêtre.

C'est dans ce contexte que les enquêteurs prenaient la décision de défoncer la porte à l'aide d'un bélier.

La Cour de cassation a considéré implicitement que cette intrusion "musclée" dans le domicile n'était pas prévue par les texte et ainsi censuré cette pratique dont les conséquences seront à apprécier par une nouvelle Cour d'appel.

Par cet arrêt, la Cour de cassation réitère la protection importante donnée au domicile et à la vie privée. Egalement et sans le nommer, elle fait une application souhaitable du principe de proportionnalité guidant la procédure pénale.  

 


 

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